30.3.11

Douleurs thoraciques et détresses cardio-circulatoires

Introduction

La douleur thoracique, par son côté angoissant et du fait que c’est la manifestation la plus connue de l’infarctus du myocarde, suscite un fort pourcentage de départ des secours. Nous verrons donc ce qui permet de distinguer une douleur thoracique « inquiétante » d’une douleur thoracique d’apparence « bénigne ». Nous étudierons également les principales détresses cardio-circulatoires.

Douleurs thoraciques

Commençons par un petit rappel de physiologie et d’anatomie pour comprendre ce que peut impliquer une douleur thoracique. Le cœur est un muscle creux qui joue un rôle de pompe pour propulser le sang dans l’organisme. Comme tout muscle, le cœur pour fonctionner a besoin de glucose et d’oxygène ; ces substances lui sont apportées par des vaisseaux, appelés artères coronaires, qui cheminent dans la paroi du cœur. Quand ces vaisseaux sont rétrécis, et dans le cas où le cœur doit fournir un effort important, le débit des artères coronaires est limité par ce rétrécissement appelé aussi sténose. Le cœur va donc être amené à fournir un effort alors que ses apports sont limités ; mais comme il ne va pas diminuer son travail, il va souffrir du manque d’oxygène et émettre un signal de détresse sous forme de douleur dont nous verrons les caractéristiques : c’est l’angine de poitrine.

Dans un stade plus avancé, et parfois chez des sujets souffrant d’angine de poitrine, on peut avoir une coronaire qui s’obstrue totalement. Le manque d’oxygène est total et le cœur va émettre le même type de douleur que précédemment : c’est l’infarctus du myocarde.

Voyons maintenant ce qu’il est important de voir face à une personne se plaignant de douleur thoracique :

· antécédents et traitement suivi

· mode de déclenchement et évolution de la douleur

· type de la douleur : douleur constrictive (qui serre) ou simple gêne, survenant au repos ou déclenchée par l’effort, variant avec la position ou la respiration, augmentée à la palpation, calmée par certains médicaments (trinitrine),...

· siège de la douleur : médiane, rétrosternale (derrière le sternum), latérothoracique,...

· irradiations de la douleur : membre supérieur, cou, mâchoire, épaule, dos, région épigastrique (estomac),...

· durée : brève, prolongée, intermittente,...

· signes d’accompagnement : fièvre, toux, angoisse, nausées, vomissements, pâleur, malaise, gêne ventilatoire, tachycardie (rythme cardiaque>100/min), asymétrie des pouls et de la tension artérielle, collapsus,...

Voyons les caractéristiques d’une douleur d’angine de poitrine (ou angor) :

Il s’agit d’une douleur rétrosternale, en barre, irradiant vers les épaules, les mâchoires, la face interne des avant-bras avec une nette préférence pour le côté gauche. Cette douleur est constrictive et ressentie comme une oppression, la sensation d’être « dans un étau ».Elle survient au cours d’un effort, disparaît à l’arrêt de cet effort ou à la prise de Trinitrine. Il s’agit d’un médicament qui a pour effet de dilater les artères coronaires et donc d’augmenter leur débit : il se prend en spray (Natispray par exemple) ou en comprimés à croquer et à laisser fondre sous la langue. Pour être significatif, l’effet doit apparaître en quelques minutes avec la disparition de la douleur.

Le fait qu’un patient, suivi pour une angine de poitrine, ressente une douleur typique au cours d’un effort, va l’inciter à arrêter cet effort et à prendre de la Trinitrine ; cela ne fait que confirmer le diagnostic d’angor ; il ne fera probablement pas appel aux secours publics ni même à son médecin.

Quels sont les cas où une douleur thoracique devra bénéficier d’une intervention médicalisée ?

· toute douleur thoracique même atypique chez une personne présentant des facteurs de risque cardio-vasculaires : tabac, obésité, hypercholestérolémie, antécédents familiaux, diabète, hypertension artérielle, stress.

· toute douleur thoracique typique chez un sujet sans antécédent connu.

· chez un patient suivi pour angine de poitrine : toute douleur ne cédant pas au traitement, toute douleur accompagnée de signes digestifs, de malaise, de détresse ventilatoire, ou survenant au repos, ou ressentie comme inhabituelle.( on considérera qu’il s’agit d’un infarctus du myocarde jusqu'à preuve du contraire)

· de même, l’augmentation de la fréquence des crises d’angor, ainsi que l’augmentation de leur durée sera considérée comme une menace d’infarctus, d’où le terme de syndrome de menace encore employé.

Pourquoi l’infarctus du myocarde est-il une urgence médicale ?

  • car le patient faisant un infarctus risque à tout instant un arrêt cardiaque par trouble du rythme ( fibrillation ventriculaire ) ; pour cela, certains premiers-secours disposent d’un défibrillateur semi-automatique.
  • parce que le traitement de l’infarctus consiste en une thrombolyse, c’est à dire une destruction du caillot qui obstrue la coronaire au moyen d’un médicament injectable. Plus ce traitement est institué précocement, plus une partie importante du myocarde peut être sauvée. La conséquence d’un traitement tardif va être une perte importante de cellules du myocarde ( muscle cardiaque ) et donc une insuffisance cardiaque réduisant considérablement l’espérance et la qualité de vie du patient. Pour information, une alternative à ce traitement est la dilatation de la coronaire par une sonde montée par voie fémorale et qu’on fait remonter jusqu’au cœur ; ce nouveau traitement en est au stade d’expérimentation et ne présente un intérêt qu’à partir du moment où il peut être mis en œuvre précocement, ce qui ne peut se faire qu’en milieu urbain à forte densité d’établissements hospitaliers, avec une équipe entraînée disponible immédiatement 24h/24.

Quels sont les éléments qui font penser que la douleur n’est pas d’origine cardiaque ?

  • Tout d’abord aucune certitude ne peut être apportée sans électrocardiogramme voire sans analyse de sang : certains infarctus se présentent avec des formes très trompeuses, et les éléments donnés ici ne sont que des indications et ne peuvent être suffisants pour éliminer formellement un problème coronarien.
  • une douleur très localisée, variant avec la respiration, augmentée à la palpation du thorax, est plus en faveur d’un problème pulmonaire ou costal (les côtes).
  • une douleur thoracique chez un sujet jeune, angoissé, sans antécédent, n’est a priori pas d’origine coronarienne ; cela dit, on a vu d’authentiques infarctus du myocarde chez des sujets de 25 ans sans antécédent particulier...

Quelles sont les autres causes médicales pouvant donner des douleurs thoraciques ?

  • les douleurs d’origine gastrique ( estomac) : gastrite, ulcère, oesophagite.
  • les douleurs d’origine digestive : pancréatite, cholécystite (vésicule biliaire).
  • les douleurs d’origine pulmonaire : infection pulmonaire ( pneumonie, bronchite), embolie pulmonaire ( caillot bouchant une partie de la circulation pulmonaire), pneumothorax ( air dans la plèvre, c’est à dire la membrane entourant les poumons).
  • dissection aortique : déchirure de l’intérieur de la paroi de l’aorte ( importance de comparer les pouls et la tension artérielle à droite et à gauche).
  • péricardite (inflammation de la membrane qui entoure le cœur).
  • douleurs osseuses ou articulaires ( fractures de côtes, arthrose)

Toute douleur thoracique doit donc de principe être prise au sérieux par le diagnostic grave qu’elle peut impliquer, et un interrogatoire minutieux de la victime et de son entourage s’impose de même qu’un examen approfondi avec prise du pouls et de la tension artérielle des deux côtés, une palpation du thorax et une manoeuvre d’inspiration profonde pour voir les éventuelles modifications sur la douleur.

Dans tous les cas, le traitement est : position demi-assise ou assise, repos strict et oxygénothérapie à 15 l/min. La prise de Trinitrine par le patient, si cela est son traitement habituel est un bon test diagnostic et ne présente pas d’inconvénient si la tension artérielle est supérieure à 10. A cause de la chute de tension que cela peut occasionner, la Trinitrine se prend toujours en position assise ou allongée.

Les détresses circulatoires

Revoyons les signes principaux de détresse circulatoire :

  • tout d’abord recherche des antécédents et des traitements en cours sans retarder le diagnostic et les gestes de premiers-secours.
  • tachycardie ( pouls>100/min)
  • tension artérielle basse ( <8)
  • pouls filant
  • temps de recoloration cutanée allongé
  • polypnée (augmentation de la fréquence respiratoire)
  • cyanose, sueurs
  • agitation, somnolence, prostration
  • convulsions, coma
  • marbrures
  • refroidissement des extrémités, pâleur cutanée
  • hyperthermie ou hypothermie
  • sensation de soif

Quelles sont les principales causes de détresse circulatoire ?

  • choc septique ( infection importante avec réaction générale de l’organisme)
  • choc cardiogénique ( défaillance cardiaque)
  • choc hypovolémique ( hémorragie importante)
  • choc anaphylactique ( allergie)

Dans tous ces cas, une prise en charge médicalisée rapide s’impose ; dans l’attente de l’équipe médicale il faut installer la personne tête basse , jambes surélevées pour maintenir l’oxygénation du cerveau et éviter un désamorçage du cœur ; la victime sera couverte, ogygénée à 15 l/min et surveillée. En cas de troubles de la conscience, elle sera installée en PLS.

choc septique

Il s’agit d’une pathologie grave ( 50% de mortalité environ) ayant un point de départ infectieux ( urinaire, pulmonaire,...)

On note : tachycardie, tension artérielle basse, polypnée, sueurs, cyanose, troubles de la conscience, faciès rouge avec extrémités chaudes, colorées et fièvre élevée, ou au contraire hypothermie, extrémités froides et marbrures.

choc cardiogénique

Il s’agit d’une défaillance de la pompe cardiaque ; les signes sont les signes habituels des défaillances circulatoires.

Les causes les plus fréquentes sont : infarctus du myocarde, embolie pulmonaire massive, problème de valve cardiaque ( naturelle ou artificielle), dissection aortique, trouble du rythme cardiaque.

L’étape extrême de la défaillance cardiaque est l’arrêt cardio-ventilatoire dont nous connaissons tous les signes : personne inconsciente, absence de ventilation et absence de pouls carotidien ; il existe néanmoins un piège dans lequel certaines équipes sont tombées : chez une personne en arrêt cardiaque, il existe des réflexes de « mourant » qui se manifestent par une ébauche de mouvement inspiratoire de très faible amplitude et avec une fréquence très basse : on appelle cela un « gasp » ; considérant cela comme une ventilation, et supposant qu’il y avait un pouls, la victime a été mise en PLS, alors qu’elle était en arrêt cardio-ventilatoire.

choc hypovolémique

C’est la défaillance par hémorragie sévère, qu’elle soit externe, interne, ou extériorisée. On note une pâleur des conjonctives, des extrémités froides, des sueurs, une soif intense ( ne jamais donner à boire), une angoisse, des troubles de la conscience.

Se méfier des hémorragies internes dont les manifestations sont par définition plus discrètes et qui peuvent être de redoutables urgences chirurgicales : plaie par arme blanche ou par arme à feu, rupture de grossesse extra utérine, rupture de la rate ou du foie lors d’accident de la route ou de défenestration par exemple. La gravité de l’hémorragie peut être masquée par une plaie de très petite taille occasionnée par un couteau à la lame fine mais causant des blessures profondes.

choc anaphylactique

C’est la conséquence de l’entrée dans l’organisme d’une substance à laquelle celui-ci est allergique : le délai est souvent inférieur à une heure, et le pronostic vital peut être mis en jeu.

Rechercher les antécédents, allergiques en particulier, la notion de prise médicamenteuse récente, ou d’aliments particuliers ; on peut trouver , en plus des signes de détresse circulatoire, des éruptions cutanées ( plaques rouges), une difficulté ventilatoire due à un oedème de la gorge ( oedème de Quincke)

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