27.3.11

ANEVRISMES ARTERIELS INTRACRANIENS

Un anévrisme artériel est une dilatation arrondie, sacculaire (en forme de sac), ou, plus rarement fusiforme, d’une artère. Un anévrisme intracrânien est en général de forme sacculaire, développé sur une bifurcation artérielle. On lui décrit un sac, la poche anévrismale, et un collet, ou zone d’insertion sur l’artère porteuse. Le diamètre d’un anévrisme intracrânien varie de 3 à 30 millimètres. On parle d’anévrisme géant lorsque le diamètre est supérieur ou égal à 24 millimètres. Les anévrismes les plus fréquents ont environ 5 à 8 mm de diamètre.
Le siège de prédilection des anévrismes intracrâniens est situé sur les bifurcations des grosses artères de la base du crâne, au niveau du polygone de Willis, avant leur deuxième subdivision.
Le tableau ci-dessous décrit les principales localisations rencontrées. Environ 95% des anévrismes sont situés sur la partie antérieure du polygone de Willis.

(GIF)

Les autres localisations sont rares. Au total, un anévrisme intracrânien :
Est situé sur la partie antérieure de la circulation cérébrale : 95%
Est unique : 80%
A moins de 10 mm de diamètre : 80%

Origine et Evolution des Anévrismes Intracrâniens

Le point de départ de la lésion artérielle à l’origine d’un anévrisme reste un sujet de controverses. L’hypothèse d’une lésion d’origine malformative et congénitale est la plus ancienne. Elle n’a jamais été réellement démontrée : la rareté relative du nombre de cas familiaux, le caractère unique de l’anévrisme dans 80% des cas, et la rareté du nombre de cas d’anévrismes découverts chez l’enfant sont des arguments contre cette hypothèse. L’autre théorie est celle d’une lésion acquise, d’origine hémodynamique, sur une lésion dégénérative de la paroi artérielle. En sa faveur plaident un argument épidémiologique (le nombre des anévrismes découverts augmentent avec l’âge), un argument expérimental (création d’un anévrisme expérimental chez le rat hypertendu soumis à un régime alimentaire particulier), et la découverte de facteurs de risque associés comme l’exposition au tabac, l’athérome, et la prédominance de cas chez la femme. En réalité, l’origine de la lésion pariétale initiale, et l’identification des facteurs d’initiation restent inconnues à ce jour.

Par contre on connaît mieux les facteurs de croissance des anévrismes qui sont liés aux conditions hémodynamiques. Expérimentalement, le point de faiblesse d’un sac anévrismal dépend de la position de l’anévrisme sur une artère porteuse ou sur une bifurcation artérielle. Le rôle de l’hypertension artérielle et de l’athérome est ici important. On comprend que souvent, dans notre langage pratique, on confonde les facteurs d’initiation et les facteurs de développement des anévrismes intracrâniens puisqu’ils seraient sensiblement les mêmes.
L’évolution pathologique de l’anévrisme se fait davantage par fragilisation de sa paroi que par augmentation de son volume. Le point de faiblesse le plus fréquent est situé au fond du sac anévrismal, là ou les perturbations hémodynamiques sont les plus grandes. Ceci explique pourquoi l’anévrisme est découvert à l’occasion d’une rupture et alors qu’il a moins de 10 millimètres de diamètre, beaucoup plus souvent qu’à l’occasion d’un syndrome de compression du cerveau ou des nerfs crâniens lorsqu’il a atteint plus de 20 millimètres de diamètre.

Incidence et Mortalité des anévrismes intracrâniens

On ne connaît pas la prévalence des anévrismes intracrâniens en France (nombre de cas présents à un moment donné). L’incidence des anévrismes intracrâniens est calculée d’après le nombre de cas admis dans un service de soins, et plus particulièrement ceux qui ont été découverts à l’occasion d’une rupture. On estime en France que 5 à 7 patients pour 100000 habitants sont victimes d’une rupture anévrismale, ce qui fait environ 5000 nouveaux cas par an. Ce chiffre ne tient pas compte des patients décédés avant d’avoir accès aux services de soins. Chaque année, de nombreux autres cas de rupture anévrismale sont attribués à tort ou sans preuves à l’occasion d’un décès brutal et non expliqué.
La mortalité annuelle en France des patients hospitalisés pour anévrisme intracrânien est encore élevée et proche de 30-35%. Cette estimation comprend :

  • 1-5% de patients décédés dès l’admission avant tout -*10-15% de patients décédés et admis avec une forme grave ou fatale prévisible
  • 10-15% des patients décédés de complications ou de récidive de l’hémorragie
  • 2-5% de patients décédés des suites ou complications du traitement.

Traitement des anévrismes intracrâniens

Le principe général du traitement est d’exclure le sac anévrismal et le collet de l’anévrisme de tout contact avec la circulation sanguine afin d’éviter une nouvelle rupture. Pour cela deux méthodes différentes, mais parfois complémentaires, sont aujourd’hui utilisées.

1°exclusion microchirurgicale par clip
Le traitement consiste après une craniotomie à se porter sur l’anévrisme par une approche au microscope chirurgical des artères. Lorsque la dissection est suffisante, on applique alors à la base de l’anévrisme, sur son collet, au ras de l’artère porteuse, un microclip à ressort ajusté à sa forme et à son diamètre. La forcipressure ou force de fermeture des mors du clip est très supérieure à celle de la pression artérielle, ce qui exclut toute possibilité de circulation sanguine dans l’anévrisme. Le clip est fait d’un alliage métallique biocompatible, inoxydable, et non ferro-magnétique (une IRM est possible sans danger). La fiabilité de l’exclusion obtenue est testée par ponction per-opératoire du sac anévrismal après la pose du clip. La mise en place du ou des clips est définitive. Le pourcentage d’exclusion complète par cette méthode est de l’ordre de 95%. Une angiographie de contrôle post-opératoire peut être demandée pour vérification de la qualité de l’exclusion

2° occlusion endovasculaire par coils Son principe général est d’obstruer complètement le sac anévrismal par l’intérieur, en y introduisant par voie endovasculaire un ou des coils. Le coil est une spire métallique allongée constituée d’un alliage métallique thrombogène à base de platine. Comme pour une angiographie cérébrale, un cathéter est introduit dans l’artère fémorale et sert de guide pour monter une sonde endovasculaire très fine sur laquelle est attaché le coil. Un ou plusieurs coils de longueur variable sont successivement introduits dans l’anévrisme jusqu’à obtenir un remplissage aussi complet que possible et jusqu’au ras du collet d’implantation de l’anévrisme sur le vaisseau porteur. Une libération du coil a lieu lorsqu’il est en place par une électrolyse provoquée par un faible courant électrique, puis le cathéter porteur est retiré. Ce traitement ne peut être pratiqué que par un neuroradiologue spécialisé. Le pourcentage d’occlusion complète et définitive est de 55%. Un résultat incomplet mais suffisant est obtenu dans 35% des cas. Le risque est ici de voir apparaître une reperméabilisation du sac anévrismal (10 à 15% des cas) avec à nouveau un risque évolutif, ce qui nécessite qu’un suivi du patient soit organisé à long terme, car un geste complémentaire pourrait se discuter. Dans 5% des cas, ce traitement par coils ne peut être appliqué pour des raisons techniques.

Le choix du traitement d’un anévrisme dépend d’une décision conjointe du neurochirurgien, du neuroradiologue et du neuroanesthésiste. En fonction de la situation de l’anévrisme, de l’état du patient, et des compétences particulières des uns et des autres, le pourcentage d’anévrismes opérés et d’anévrismes traités par coils est variable d’une équipe à l’autre.
Chaque technique a ses avantages comme ses inconvénients. Pour le patient, le meilleur choix doit prévaloir, c’est-à-dire le meilleur traitement avec le moins de risques. Les résultas récents d’une étude internationale comparant les deux formes de traitement se montrent en faveur du traitement endovasculaire par coil pour les anévrismes intracrâniens rompus de moins de 10 millimètres de diamètre.

Anévrismes non rompus
1° Anévrismes de découverte fortuite
De plus en plus fréquemment, on découvre fortuitement à l’occasion d’une IRM ou d’un scanner cérébral un ou des anévrismes intracrâniens non rompus. La première question qui se pose est de savoir s’ils sont dangereux, c’est-à-dire s’ils appellent un traitement préventif microchirurgical ou endovasculaire. Ce risque de rupture et la décision de traiter dépendent de l’âge de découverte, du diamètre maximum de l’anévrisme, et de sa topographie. En dessous de 7mm de diamètre, le risque de rupture est estimé être inférieur à 0,5% au bout de 7 ans d’évolution. Entre 7 et 15-20mm, ce risque est estimé être légèrement supérieur à 1% au bout de 5 ans d’évolution. Ce degré de risque est plus élevé si l’anévrisme siège sur le tronc basilaire. Tous les anévrismes géants portent un risque très supérieur justifiant la discussion d’un traitement. En effet, en contrepartie de ce risque de rupture, le traitement préventif offre une garantie mais aussi des risques assez élevés (mortalité 2%, morbidité 15%). Au dessus de 65 ans, le risque encouru par le traitement est toujours supérieur au risque de l’évolution naturelle de l’anévrisme. Dans tous les cas, la volonté du patient doit être respectée.

2° Anévrismes multiples dont un s’est rompu Dans 20% des cas d’anévrisme intracrânien rompu, on découvre la présence d’un ou d’autres anévrismes asymptomatiques. Le risque évolutif de ces autres anévrismes est très proche de celui des anévrismes de découverte fortuite.

3° Anévrismes symptomatiques
Un anévrisme intracrânien peut se révéler par des symptômes de compression des nerfs crâniens ou de l’encéphale. Cet anévrisme est en règle un anévrisme géant soumis au risque évolutif vers une accentuation des signes de compression (paralysie motrice, paralysie oculomotrice, épilepsie) ou vers sa rupture. L’anévrisme carotido-caverneux développé sur l’artère carotide lors de sa traversée de la base du crâne est une variété particulière chez la femme avec hypertension artérielle, car il se développe en dehors de la méninge, menace de compression tous les nerfs oculo-moteurs, et a un très faible risque de saignement. Il relève d’un traitement par ligature endovasculaire de la carotide effectuée après un test de clampage.

Anévrismes familiaux

Même si l’origine congénital des anévrismes intracrâniens est très discutée, il existe pourtant quelques familles dans le monde qui porteraient un gêne augmentant le risque d’anévrisme dans leur descendance. Cependant, à ce jour, aucun facteur génétique n’a pu être isolé avec certitude, mais plusieurs gênes pourraient être associés chez ces familles. On parle d’anévrisme familial lorsque plus de deux personnes sont atteintes. L’atteinte concerne plus souvent la même fratrie que la descendance directe, c’est-à-dire touche les frères ou soeurs plus que leurs enfants. Lorsque l’on interroge les patients victimes d’une rupture d’anévrismes, dans 6 à 10% des cas ils signalent souvent un ou des cas semblables dans leur famille. Il peut s’agir de cas sporadiques cumulés au hasard, mais il n’est pas impossible qu’un facteur commun héréditaire ou une influence environnementale prédisposent ce groupe familial. On retrouve ce risque plus marqué lorsque coexistent des affections héréditaires du tissu conjonctif. Parmi ces maladies assez rares citons la polykystose rénale. La question qui se pose est de savoir si une enquête familiale se justifie, et si oui, avec quels moyens radiologiques. L’IRM est l’examen qui paraît s’imposer. On se doit de rappeler les règles éthiques qui obligent à respecter la liberté de chaque individu de disposer seul de l’information apportée par l’examen qu’il a accepté de subir, et à accepter ce qu’il a décidé d’en faire.

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