1.4.11

L'ablation, un traitement de choix dès le premier épisode de flutter auriculaire

Si l'ablation par radiofréquence est de pratique courante dans le flutter auriculaire, on ne disposait pas jusqu'ici d'essai randomisé ayant démontré son intérêt chez des patients ayant présenté un seul épisode de ce trouble du rythme, les études précédentes ayant toutes été réalisées dans des flutters récidivants. C'est désormais chose faite avec l'étude multicentrique prospective LADIP (Loire-Ardèche-Drôme-Isère-Puy-de-Dôme). Cet essai, mené chez 104 patients français, conclut en effet à la supériorité indiscutable dans cette indication du traitement ablatif sur la cardioversion associée à une prescription d'amiodarone .

L'efficacité de ce traitement, sa relative facilité de réalisation et sa sécurité d'emploi chez des malades pourtant âgés (78 +/- 5 ans en moyenne dans cette série) conduisent le Dr Antoine Da Costa (CHU de Saint-Étienne) à recommander ce geste thérapeutique en première ligne dans le flutter auriculaire.


Cette étude répond à une question, qui demeurait sans réponse jusqu'ici, l'ablation est-elle efficace dans les flutters débutants ?

Cet essai multicentrique, qui a été mené d'octobre 2002 à février 2006, dans 5 départements français, a eu deux objectifs principaux. En premier lieu analyser de façon prospective les effets de l'ablation par radiofréquence en comparaison d'un traitement par amiodarone après cardioversion dans un premier épisode de flutter symptomatique. En second lieu, évaluer l'impact au long cours de chacune des 2 stratégies thérapeutiques sur l'évolution du flutter. « En effet, » indique le Dr Da Costa, « les données de la littérature médicale ne fournissaient pas d'indication jusqu'ici sur le taux de récurrence après un premier épisode de flutter. » C'est à ce jour la plus grande étude de ce type menée sur ce thème.

Cent-quatre patients consécutifs d'au moins 70 ans, présentant tous un premier épisode de flutter auriculaire électriquement documenté et avec un circuit de réentrée attesté au niveau de l'isthme cavotricuspide, ont été randomisés pour être traités d'emblée par ablation par radiofréquence (n = 52) ou pour recevoir une cardioversion électrique puis un traitement par amiodarone (400 mg/j en dose de charge, 200 mg/j ensuite). L'ablation a été effectuée avec 2 cathéters selon la méthode standard, de façon à créer une ligne de bloc complet bidirectionnel au niveau de l'isthme cavotriscupide.

Tous les malades devaient pouvoir prendre de l'amiodarone mais ils ne devaient pas avoir reçu ce médicament auparavant. Les patients porteurs d'un flutter mal toléré ont été exclus de l'essai, de même que les sujets avec une insuffisance cardiaque de classe IV, les malades avec un espace QT corrigé supérieur à 480 ms, les porteurs d'une bradycardie de moins de 50 battements par minute, les sujets avec une espérance de vie de moins d'un an ou ne pouvant recevoir d'anticoagulant.

Tous les patients étaient symptomatiques au moment de la randomisation, l'insuffisance cardiaque étant le signe clinique le plus répandu (56 patients insuffisants cardiaques contre 18 avec des palpitations, 12 avec une dyspnée, 10 avec de l'angor...)

Les sujets des deux groupes se sont avérés comparables pour l'âge, le sexe, le pourcentage de maladies cardiaques associées au flutter, les antécédents de fibrillation auriculaire (24 % globalement), la taille de l'oreillette gauche, la fraction d'éjection ventriculaire gauche.

Caractéristiques des patients dans les deux groupes


Groupe ablation
(n = 52)

Groupe amiodarone
(n = 51)

p

Age

78,5 +/- 5

78,5 +/- 5

0,5

Sexe (% femmes)

21 %

17,6 %

0,8

Maladies cardiaques structurales

58 %

65 %

0,7

Hypertension

69 %

67 %

0,8

Antécédents de FA

27 %

21,6 %

0,6

Diamètre (mm) systolique de l'oreillette gauche

43 +/-7

43 +/- 6

0,7

% FEVG

56 +/- 14

54 +/- 14

0,5

(Pour télécharger ce tableau sous forme de diapositive, cliquez sur l'icône PPT située en fin d'article.)


Sept fois moins de récidives de flutter après ablation

Les résultats relevés, après un suivi moyen de 13 +/- 6 mois, sont nettement en faveur de l'utilisation de l'ablation. Le taux de récidives de flutter, vérifié par ECG et Holter, n'a, en effet, pas dépassé 3,8 % (2 sur 52 sujets) dans le groupe traité par ablation, alors qu'il a atteint la valeur de 29,5 % en pourcentage dans le second groupe (15/51) (p < 0,0001) (les 15 patients de ce second bras répondant tous d'ailleurs à l'ablation qui leur a été proposée secondairement).

« Accessoirement, l'étude montre que le pourcentage de récurrences n'est pas si élevé que cela après un premier épisode de flutter (29,5 % sous amiodarone), » alors que des taux plus importants avaient pourtant été décrits après cardioversion par des auteurs comme HJ Crijns et, plus récemment, AA Elesber » [2,3].

« Les résultats observés avec l'ablation de première ligne sont d'autant plus nets dans cette étude française qu'elle a été comparée au médicament anti-arythmique qui est le plus efficace à l'étage auriculaire, » précise le Dr Da Costa. En outre, ajoute ce cardiologue, « cet essai avait fait le choix d'inclure des patients âgés de façon à apprécier le risque de fibrillation auriculaire après ablation de flutter. » Or, le taux de FA, symptomatiques ou non, n'a pas différé significativement au cours de l'évolution entre les deux groupes (29 % dans le premier bras traité par ablation contre 20 % dans le second, p = 0,4), avec par exemple un pourcentage de 8 % de FA symptomatiques à 1 an dans les deux bras.


Pas de complication notable sous ablation alors que les malades avaient en moyenne 78 ans

Pour le Dr Da Costa, « l'ablation doit devenir le traitement de première intention des premiers (et seconds) épisodes de flutter auriculaire du sujet âgé. » Cette technique est en effet non seulement plus efficace, mais de plus assez facile à réaliser « car elle n'exige qu'un simple abord veineux, elle dure en général seulement une heure et parce qu'il s'agit d'une technique très bien standardisée, ses risques sont très faibles et se limitent à quelques hématomes locaux, alors que l'utilisation au long cours d'anti-arythmiques expose, chez les patients âgés, à la survenue d'effets secondaires importants. »

Il est vrai que dans cette série, la réalisation de l'ablation a pu être effectuée chez tous les malades du groupe I (52/52), auxquels elle avait été proposée d'emblée et aucune complication en rapport avec le geste d'ablation n'a été constatée dans ce groupe, alors que 5 événements cardiaques majeurs nécessitant l'arrêt du médicament ont été déplorés dans le groupe II traité par amiodarone (dont 2 hyperthyroïdies et 1 hypothyroïdie). Un taux de 10 % d'effets secondaires à 1 an a, par ailleurs, été noté dans cette étude française sous traitement par amiodarone.

La mortalité globale n'a pas différé significativement dans les deux groupes (11 % sous ablation, 16 % sous traitement par amiodarone, p = 0,7), 4 décès sur les 6 constatés dans le groupe traité par ablation n'étant pas d'origine cardiovasculaire et les 2 autres étant imputables à un épisode d'insuffisance cardiaque réfractaire et à une mort subite chez un patient porteur d'une cardiomyopathie ischémique sévère.

« Grâce à la culture électrophysiologique française, la plupart des centres de rythmologie du pays pratiquent depuis 5-6 ans l'ablation pour traiter les premiers épisodes de flutter auriculaire, » rappelle en conclusion le Dr Da Costa. Nul doute que ces résultats ne vont pas les décourager dans cette attitude.

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