GENERALITES
1) Définition.
L’Embolie pulmonaire (EP) est la conséquence de l’obstruction des artères
pulmonaires ou de leurs branches par des embols le plus souvent cruoriques.
2) Incidence de l’EP
L’EP est une maladie très fréquente.
Les données épidémiologiques actuelles estiment à plus de 100 000 l’incidence
annuelle de l’EP en France.
Ce chiffre est fort probablement très sous-estimée.
Plusieurs arguments vont dans ce sens.
- Bien que strictement asymptomatique sur le plan pulmonaire, prés d’1 patient
sur 2 qui présente une thrombose veineuse profonde proximale (TVP) (au
dessus du genou) présente aussi une EP.
- 15% des patients qui décèdent de cause inconnue à l’hôpital présentaient, en
fait, une EP
- L’EP est la principale cause non carcinologique de mortalité des patients
atteints d’un cancer.
- C’est aussi la première cause extra obstétricale de décès des parturientes.
3) Est ce une maladie Grave?
L’EP est une maladie grave qui nécessite une prise en charge rapide et
rigoureuse.
La mortalité de l’EP non traitée est de l’ordre de 30 à 40% alors qu’elle sera
inférieure à 15 voire 8% lorsqu’une prise en charge thérapeutique adéquate est
entreprise. Cette prise en charge thérapeutique a été parfaitement étudiée et
validée et il importe que les mesures thérapeutiques efficaces soient
effectivement utilisées.
4) Diagnostic non facile.
Malheureusement, force est de constater que le diagnostic clinique de l’EP reste
trop fréquemment non fait. On estime que moins de 40% des EP sont
effectivement diagnostiquées.
Ceci doit conduire à élargir les situations où le diagnostic devra être évoqué et
également à bien connaître les formes cliniques atypiques.
5) Provenance du caillot.
L’embol cruorique qui vient obstruer l’artère pulmonaire provient le plus souvent
d’une veine des membres inférieurs. Cela ne signifie pas pour autant que ce
thrombus qui se sera détaché de la paroi veineuse aura engendré une
symptomatologie au niveau des membres inférieurs
Par ailleurs ce thrombus migrateur peut provenir des veines pelviennes,
abdominales, des veines des membres supérieurs voire des cavités cardiaques
droites, situations qui ne donnent que peut fréquemment une symptomatologie
facile à reconnaître.
L’Embolie pulmonaire peut donc venir compliquer une thrombose veineuse qui
était déjà connue (cette complication survient alors essentiellement du fait d’une
mauvaise prise en charge thérapeutique de la TVP), elle est le plus souvent
inaugurale et révélatrice de la « maladie thrombo-embolique veineuse ». Il est
effectivement capital de considérer que la thrombose veineuse et l’EP
représente une seule et même maladie. L’EP pouvant être considérée comme la
principale complication de la TVP
6) Conséquences physiopathologiques de l’obstruction
vasculaire pulmonaire :
1) Il est capital de comprendre que les conséquences cliniques d’une EP sont
le plus souvent proportionnelles à l’importance du territoire vasculaire amputé.
On peut distinguer les EP qui n’amputent qu’une ou quelques branches distales
des artères pulmonaires. En ce cas, les conséquences sur l’hématose,
l’hypertension artérielle pulmonaire et donc les répercussions cardiaques seront
peu importantes. En revanche l’atteinte distale peut donner une symptomatologie
fonctionnelle plus riche du fait de l’atteinte de la plèvre et de la constitution
d’infarctus pulmonaires.
A l’opposé si le thrombus migrateur est de grosse taille, ou si, comme souvent,
plusieurs épisodes emboliques se sont rapidement succéder, l’amputation
vasculaire pulmonaire sera plus importante, souvent proximale, les conséquences
sur l’hématose et les répercussions cardiaques seront plus graves.
2) Hypoxie-Hypocapnie « paradoxale » : L’amputation d’une artère pulmonaire
alors que la ventilation reste fonctionnelle crée normalement un effet espace
mort. L’existence d’une hypoxie-Hypocapnie est habituellement évocatrice d’un
effet shunt (correspondant à un territoire normalement perfusé mais une
ventilation non fonctionnelle). Cette paradoxale hypoxie-hypocapnie est
engendrée par une réaction de broncho-constriction qui touche non seulement les
bronches dans le territoire où les artères sont obstruées mais aussi la quasitotalité
du parenchyme pulmonaire. Cette broncho-constriction serait due à la
sécrétion de médiateurs qui ont un effet vaso et bronchoconstricteurs.
7) Le terrain de survenue : les circonstances
Les facteurs favorisants une EP sont ceux (décrits il y plus de 150 ans par
Virchow), qui favorisent une thrombose veineuse, en résumé :
- La stase sanguine ; qu’elle soit du à un alitement, une période post-opératoire,
une insuffisance cardiaque, un trouble du rythme ou un voyage en position assise
- Une lésion de la paroi veineuse ; qu’elle soit du à une lésion mécanique (post
chirurgicale ou traumatique) ou médicamenteuse (certains médicaments
perfusés : chimiothérapie anticancéreuse, cordarone..)
- Une propension anormale à créer un thrombus dans le système veineux ; que
cette propension soit
constitutionnelle:
thrombophilie : déficit en protéines C et S, Déficit en Antithrombine, Résistance
à la protéine C,
Hyper-homocystéinémie..
ou acquise :
Pilule oestro-progestative en particulier de 3eme génération
Traitement hormonal substitutif de la ménopause,
Traitement antidépresseur…
DIAGNOSTIC CLINIQUE :
1) Signes fonctionnels :
1.1 Dyspnée :
En théorie, proportionnelle au degré d’amputation vasculaire et donc aux
conséquences sur l’hématose. En fait les « petites » EP périphériques qui
n’obstruent qu’une branche distale des artères pulmonaires peuvent engendrer
une dyspnée du fait de la réaction pleurale, mais dans ce cas il n’y aura pas
d’hypoxie profonde.
Les EP gravissimes peuvent être responsables d’une mort subite par arrêt
respiratoire.
1.2 Douleur thoracique :
Signe non spécifique, classiquement basi-thoracique, elle suppose une réaction
pleurale et donc une atteinte plutôt périphérique. Des embols distaux peuvent
coexister avec des obstructions plus proximales et donc une réaction pleurale
avec une atteinte proximale. La douleur pleurale peut survenir tardivement alors
que le patient est en cours de traitement.
1.3 Fièvre :
Peu fréquente. Suppose un infarctus pulmonaire mais peut aussi être due à la
thrombose veineuse coexistante.
1.4 Tachycardie :
Parfois le seul symptôme, en particulier en post opératoire, qui devra faire
évoquer la maladie. Peut être due à l’hypoxie et à l’hypertension artérielle
pulmonaire induite. En ce sens elle peut être considéré comme un signe de
gravité. Mais une augmentation de la fréquence cardiaque peut également être
causée par la douleur et l’angoisse engendrées.
1.5 Hémoptysie :
Rare. Suppose la constitution d’un infarctus pulmonaire qui se déterge dans une
bronche et donc de survenue tardive. Habituellement faite de sang rouillé.
1.6 Syncope :
Suggère une amputation vasculaire importante avec répercussions sévères sur le
fonctionnement du coeur droit. En ce sens correspond à un critère de gravité.
Peut, moins fréquemment être engendrée par la douleur et un syndrome vagal
réactionnel.
1.7 Collapsus cardiovasculaire :
Forme clinique gravissime de l’EP. Dû aux amputations vasculaires les plus
importantes responsables d’un « barrage » à l’éjection du ventricule droit et/ou à
une grande hypoxie.
Les Formes Cliniques :
Il faut évoquer le diagnostic d’EP devant
-Toute aggravation de la dyspnée chez un patient insuffisant cardiaque
-Toute aggravation de la dyspnée chez un patient insuffisant respiratoire
-Tout situation de tachycardie, d’essoufflement, d’angoisse, de fièvre
inexpliquée ou d’anomalie radiologique pulmonaire chez un patient en postopératoire.
-Tout malaise ou tachycardie anormale du post-partum.
2) Signes d’examens:
L’examen d’un patient suspect d’ EP doit viser autant à éliminer une autre
pathologie qu’à confirmer l’hypothèse d’EP.
L’interrogatoire est un moment capital.
Il visera à préciser le contexte (post chirurgie,alitement..) la prise de traitement
thrombogène (pilule, antidepresseurs, chimiothérapie..), les ATCD thromboembolique
personnels ou familiaux, l’existence éventuelle d’une thrombophilie
connue.
La prise de la TA et de la fréquence cardiaque peuvent permettre d’emblée de
distinguer les formes avec importantes répercussions cardiaques.
La recherche de signes cliniques en faveur d’une thrombose veineuse
concomitante bien que peut souvent contributive est impérative
La recherche d’un tableau d’insuffisance cardiaque droite doit être rigoureux
- Reflux hépato-jugulaire,
- hépatomégalie,
- Souffle d’Insuffisance tricuspide,
- Eclat du B2.
Il est capital que le clinicien se fasse une idée claire à la fin de cet examen et
qu’il établisse un score de probabilité avant tout examen complémentaire
important (probabilité clinique pré-test).
On peut globalement classifier cette probabilité en 3 catégories : faible
(« l’impression » du clinicien est qu’une EP est peu probable) Moyenne
(« l’impression » est qu’une EP est possible mais non certaine) Forte (une EP est
hautement probable d’après le contexte et l’examen clinique).
Cette probabilité pré-test servira à pondérer certains résultats d’examen
complémentaires.
Diagnostic Paraclinique:
Les Outils diagnostiques:
Les d-Dimères :
Leur dosage doit se faire au mieux par la méthode Elisa. La valeur seuil utilisée
est habituellement à 500 microg/l
Leur positivité n’est qu’exceptionnellement suffisante pour avoir une quelconque
signification. En revanche leur valeur prédictive négative est excellente ; Un
taux de d-Dimères < 500 microg/l élimine avec une très forte probabilité une
thrombose veineuse et donc une EP.
La radio thoracique :
Elle peut montrer de nombreux signes évocateurs d’EP :
Signe de Westermark : Hyperclarté localisée du parenchyme (due à une moindre
vascularisation)
Ascencion de la coupole diaphragmatique (induite par la rétraction du
parenchyme par les troubles ventilatoires)
Atelectasie en bande
Elargissement des artères pulmonaires
Opacité triangulaire à base pleurale (Infarctus pulmonaire)
Grosse artère pulmonaire
Un épanchement pleural habituellement modéré est possible.
Une radiographie normale n’élimine pas une EP, elle a le mérite d’éliminer d’autres
diagnostics qui auraient échappé à la sagacité du clinicien (pneumopathie,
pneumothorax ou hémothorax, pleurésie)
ECG :
Normal dans les formes périphériques sans répercussion cardiaque.
Peut montrer
Une tachycardie habituellement sinusale
Des signes de coeur droit aigu :
Aspect S1Q3 (onde S en D1 et onde Q en D3) signifiant une rotation axiale
droite par hypertrophie des cavités droites
BBDroit complet ou incomplet
des troubles du rythme : Fibrillation plus fréquemment que flutter, rarement
tachycardie ventriculaire.
Des troubles de la repolarisation à type d’onde T négatives dans le précordium
(parfois sur les dérivations inférieures) qui témoignent alors d’une EP sévère.
GAZOMETRIE :
Une gazométrie normale n’exclut pas le diagnostic
Les signes classiques sont
une hypoxie (signe de gravité lorsqu’inférieure à 60 mm Hg)
une hypocapnie
une alcalose respiratoire remplacée par une acidose métabolique dans les formes
graves.
Attention aux ponctions artérielles inconsiderées qui risqueraient de poser
problème en cas d’indication de thrombolyse.
ECHO-DOPPLER VEINEUX :
Principe : La découverte d’un thrombus dans une veine des membres inférieurs
chez un patient suspect d’EP est un excellent argument pour une EP. La mise en
évidence d’une thrombose veineuse impliquera un traitement anticoagulant qui
dans la très grande majorité des cas sera aussi celui de l’EP. Il est donc
important de comprendre qu’il n’est pas nécessaire de mettre en évidence le
thrombus pulmonaire pour bien prendre en charge le traitement de l’EP.
Cet examen est anodin, peut se faire au lit du malade.
Le signe essentiel est la non compressibilité d’une veine.
La visualisation directe du caillot est cependant fréquente.
ECHOCARDIOGRAPHIE-DOPPLER TRANSTHORACIQUE:
A le mérite de pouvoir être fait au lit du malade.
L’echocardiographie montre les répercussions cardiaques de l’EP, cela suppose
environ une amputation de 50% du territoire vasculaire. Sa normalité n’élimine
donc certainement pas une EP périphérique, en revanche elle est un bon argument
contre une EP sévère. Les signes en faveur d’une EP sont
Une dilatation du coeur droit (rapport des diamètres ventricule droit/ventricule
gauche > 0.7)
Une dilatation du tronc de l’artère pulmonaire
Une diminution de la contractilité du ventricule droit (signe de gravité)
Une perméabilité du foramen ovale (créant un shunt droit gauche avec
majoration de l’hypoxie et risque d’embolie paradoxale dans la grande circulation)
Le doppler permet de mesurer le gradient entre l’oreillette droite et le
ventricule droit en systole et donc d’apprécier la pression pulmonaire systolique.
La non variabilité du calibre de la veine cave inférieure est corrélée à
l’insuffisance cardiaque droite.
Plus rarement l’échocardiographie peut montrer un caillot (en transit) dans le
ventricule droit.
L’échocardiographie trans-thoracique est très utile par le fait qu’elle permet
d’éliminer d’autres diagnostics (Tamponnade, Infarctus du VD..)
L’ECHOCARDIOGRAPHIE TRANS-OESOPHAGIENNE
Peut être contributive par la visualisation du premier segment des artères
pulmonaires en particulier à droite.
Cet examen nécessite un opérateur expérimenté mais peut éviter de déplacer un
patient instable dans les cas douteux ;
SCANNER SPIRALE :
Permet une très bonne visualisation des artères pulmonaires proximales et
moyennes. La définition des branches plus distales s’améliore avec la technique
(scanner multibarettes).
Cet examen est en train de détrôner l’angiographie pulmonaire.
Nécessite une injection de produit de contraste ainsi que le transport du
patient.
SCINTIGRAPHIE PULMONAIRE
Le principe est un marquage :
des territoires perfusés par un traceur radioactif (habituellement du
technétium) injecté dans une veine au pli du coude
des territoires ventilés par un autre traceur radioactif (Xénon ou Krypton)
inhalé.
Les territoires bien ventilés mais non perfusés correspondent au « mismatched »
évocateur d’EP.
Conditions techniques :
Patient compliant
Nécessité de 6 incidences
L’examen doit être fait le plus rapidement possible idéalement avant 48 heures.
Inconvénients :
Nécessite le transport dans une unité d’imagerie isotopique
Radioactivité (minime)
Interprétation très aléatoire dés lors qu’existe une pathologie bronchopulmonaire
concomitante (nécessité d’une radiographie thoracique préalable à
l’examen)
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